JE ME SOUVIENS…

Nous avions déjà tourné ce spectacle dans de nombreux pays avant de le jouer à l’Atalante, et pourtant nous étions fortement inquiets. Paris est une ville à part, une Mecque du théâtre, et les gens qui nous invitaient, Alain Barsacq et Agathe Alexis, étaient également des gens à part, pas de simples producteurs…
Barsacq, l’Atelier ; cela fait partie de l’histoire du théâtre…

Et en plus, il y a beaucoup de Russes à Paris. De toutes sortes… Et la pièce que nous apportions parlait de la vie moscovite contemporaine, tragique, absurde, comique. Allait-on nous comprendre, nous écouter ?

La traduction allait-elle toucher les spectateurs français ? Allaient-ils accepter le jeu des acteurs ?

A Moscou cette histoire se jouait dans un lieu où, derrière une véritable fenêtre, il y avait une vraie petite cour et, si la pluie ou la neige tombait, elle venait frapper les carreaux du théâtre. Comment transmettre cette atmosphère ? Comment transporter dans un Moscou humide les parisiens de cette ruelle montmartroise si intime ?

Nous avons donc répété à l’Atalante, un lieu pas très grand, mais cordial, en essayant de nous habituer à ce "nouvel appartement".......Un nouveau personnage est aussi apparu, la traductrice en temps réel, Ewlyne Guillaume. Sa voix devait retentir dans les écouteurs au même moment que celle des acteurs et pour cela il fallait l’intégrer au travail de répétition........Puis nous sommes retournés à notre hôtel de la rue Lepic et nous avons attendu la première représentation. Nous étions inquiets........…Après le spectacle, que de paroles agréables ! Je me souviens de Siniavski (je n’aurais jamais imaginé le rencontrer), je me souviens de ses yeux tristes, qui avaient tant vu….......Je me souviens de vieux émigrés, de leur russe écorché, de leurs mots de reconnaissance….......Je me souviens de simples spectateurs français cherchant à faire connaissance avec les acteurs….......Et une merveilleuse atmosphère s’installa, celle qui existe quand à la fin d’un spectacle, les gens ne veulent plus s’en aller........A ce qu’il paraît, ce fut un succès........Et tout au long des dix représentations, des salles pleines et au-delà, à Reims, des cars de spectateurs qui n’avaient pu assister au spectacle à Paris….......La merveilleuse atmosphère de cette tournée, nous en sommes redevables à l’Atalante, à Alain et à Agathe, et nous les en remercions........Cette page-là de ma biographie, j’aurai toujours plaisir à la relire. (R.K)

Roman Kosak a mis en scène Cinzano de Petrouchevskaïa et a présenté son spectacle en langue russe à l’Atalante en mars-avril 1991